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Les risques géopolitiques de nouveau sous les projecteurs

Les marchés de l’énergie réagissent à l’attaque d’Israël contre les centrales nucléaires iraniennes. L’USD est tombé à son plus bas niveau depuis 2022, si bien que les investisseurs se précipitent vers les valeurs refuges.

Foreign Exchange Weekly Market Update

Cette semaine encore, le président Donald Trump a menacé d’appliquer des tarifs douaniers et d’importantes données économiques sont tombées. Toutefois, ces informations ont été reléguées au second plan suite à l’attaque d’Israël contre les centrales nucléaires iraniennes. Les actions mondiales ont reculé, et l’indice de peur VIX est repassé au-dessus de 20. Cette valeur constitue une ligne de démarcation entre un sentiment de calme et de panique sur les marchés.

Les marchés de l’énergie ont le plus fortement réagi : les prix du gaz ont augmenté de 5 %, et ceux du pétrole ont connu une hausse allant jusqu’à 13 %. Bien que l’acheminement de pétrole et de gaz par le détroit d’Ormuz ne soit pas affecté pour l’instant, les traders commencent à prendre en compte le risque de perturbation. La volatilité implicite du Brent a atteint son plus haut niveau depuis 2022, ce qui reflète le sentiment d’angoisse général des traders.

L’augmentation des coûts de l’énergie est loin d’être une bonne nouvelle pour Jerome Powell, le président de la Fed. En effet, elle risque de relancer l’inflation, justement au moment où le marché commençait à s’adapter à un contexte macroéconomique plus faible. L’IPC et l’IPP aux États-Unis pour le mois de mai ont été inférieurs aux prévisions. Cette évolution indique que l’impact de la guerre commerciale à une plus grande échelle reste désinflationniste à ce stade.

Par ailleurs, Donald Trump prévoit d’avertir les partenaires commerciaux au sujet des tarifs douaniers avant le 9 juillet. Ensemble, ces deux informations ont poussé le dollar à son plus bas niveau depuis 2022. Les marchés ont par ailleurs réévalué les attentes de deux baisses potentielles des taux de la Fed d’ici la fin de l’année.

Cependant, le dollar survendu et sous-évalué a trouvé un catalyseur pour rebondir : les prix du pétrole, en raison de l’avantage comparatif des États-Unis en matière d’indépendance énergétique.

Les investisseurs se précipitent vers les valeurs refuges comme l’or, le JPY et le CHF, et hésitent à détenir des actifs à risque en raison de l’incertitude liée à une nouvelle intensification de la guerre commerciale. Malgré l’aversion de l’EUR à la hausse des prix du pétrole, il conserve néanmoins plus de 1 % de gains par rapport au billet vert cette semaine.

Chart: Oil price surge higher amid Middle East tensions

Macroéconomie mondiale
L’inflation s’essouffle, le dollar chute

Les rapports font état d’une inflation maîtrisée. Les dernières données de l’indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis indiquent que l’inflation globale et sous-jacente a augmenté de 0,1 % en glissement mensuel en mai. Il est en baisse par rapport aux chiffres d’avril et en dessous des prévisions. La tendance selon laquelle les chiffres de l’inflation sont plus bas que prévu suggère que les consommateurs n’ont pas encore pleinement ressenti les effets des tarifs douaniers du président américain Donald Trump. Cela s’explique probablement par les pauses tarifaires temporaires, ou encore le fait que les entreprises absorbent les coûts ou se constituent des stocks de manière préventive. Plus généralement, l’impact de la guerre commerciale reste désinflationniste à ce stade. Toutes choses étant égales par ailleurs, cette situation est favorable aux actifs financiers.

En outre, l’indice des prix à la production (IPP) américain a légèrement augmenté en mai (0,1 %), ce qui indique une inflation modérée sans chocs de prix dus aux tarifs douaniers. Bien que certains éléments aient laissé entrevoir des augmentations liées aux tarifs douaniers, ils ont été contrebalancés par une inflation modeste par ailleurs, ce qui a permis de contenir les pressions globales sur les prix.

Le risque commercial augmente. Les nouvelles menaces du président américain Donald Trump concernant les tarifs douaniers impliquaient d’informer les partenaires commerciaux, dans un délai d’une à deux semaines, des taux tarifaires unilatéraux avant la date butoir du 9 juillet, et d’étendre ces tarifs sur l’acier à compter du 23 juin, ce qui a renforcé l’incertitude commerciale et a détérioré le sentiment du marché. Cette nouvelle, combinée aux rapports sur l’inflation, a poussé le dollar à son plus bas niveau depuis 2022, les marchés ayant réévalué leurs attentes quant à deux baisses potentielles des taux de la Fed d’ici la fin de l’année.

Les déclarations de chômage continuent d’augmenter. Les déclarations de non-retour à l’emploi suivent les personnes toujours sans emploi après leur première semaine de dépôt, tandis que les déclarations de perte d’emploi représentent les nouvelles demandes. Cette semaine, les déclarations de non-retour à l’emploi ont bondi à 1,956 million, contre 1,902 million la semaine dernière, soit le niveau le plus élevé depuis novembre 2021. Trouver un nouvel emploi après en avoir perdu un devient de plus en plus difficile, ce qui signale des défis croissants sur le marché du travail. Les déclarations de perte d’emploi ont également dépassé les attentes.

Chart: Core inflation momentum continues to slow

Perspectives sur le marché des changes
L’euro vole la vedette

USD La barre descend encore. L’indice du dollar américain a chuté à son plus bas niveau en trois ans, frappé par un double coup dur : des données d’inflation faibles et de nouvelles tensions commerciales. L’embrasement géopolitique profite, dans une certaine mesure, aux valeurs refuges, mais ce sera un test décisif, car les investisseurs se demandent de plus en plus si l’USD est encore le bon réflexe en cas de crise. Au niveau national, la série de chiffres plus faibles que prévu pour l’IPC et l’IPP conforte l’idée selon laquelle la Fed devrait réduire ses taux à deux reprises cette année, poussant les rendements à court terme à la baisse et accentuant la courbe des taux, ce qui va diminuer l’attrait pour le dollar. Les nouvelles menaces de Trump en matière de droits de douane ont exercé une pression supplémentaire, ce qui a ébranlé l’appétit pour le risque, signe supplémentaire que le dollar perd sa qualité de valeur refuge. Les perspectives générales tendent encore asymétriquement à la baisse, alors que la prime de risque américaine augmente, alourdie par les inquiétudes budgétaires et un éloignement mondial de l’exposition aux actifs américains. À l’heure où l’exceptionnalisme économique des États-Unis est remis en question, un rebond confirmé des données de base ou une amélioration des soft data pourraient permettre de relancer le dollar ainsi que de faire augmenter les prix du pétrole. Mais pour l’instant, le sentiment dominant favorise une nouvelle dépréciation du dollar, en particulier face à ses pairs défensifs.

EUR La hausse de l’euro s’accélère, mais peut-elle se maintenir ? Cette semaine, l’euro a repris sa hausse, l’EUR/USD dépassant confortablement les sommets d’avril de 1,1615 $ et se maintenant au-dessus des moyennes mobiles à court et à long terme. Le rétrécissement de l’écart entre les moyennes à court terme renforce encore la dynamique haussière. Cependant, même si la tendance générale reste fermement haussière, des signes d’épuisement à court terme sont apparus depuis le début de la progression en février. Toujours fortement dépendant de la détérioration du sentiment américain, le prix au comptant a eu du mal à se maintenir au-dessus des moyennes mobiles à court terme tout au long du mois de mai, ce qui suggère un renversement potentiel dans les prochains jours si l’optimisme lié au commerce refait surface. Au-delà des aspects techniques, la hausse de l’euro de la semaine dernière reste fondamentalement fragile. L’inflation américaine plus faible qu’anticipé a alimenté les attentes de baisse de taux de la Fed, réduisant l’écart de taux au profit de l’euro. Néanmoins, cet écart reste globalement en faveur du dollar, ce qui continue de soutenir la devise américaine. Dans ce contexte, un maintien durable au sein de la zone 1,1500–1,1600 $ semble difficile à justifier.

Chart: Euro rises against most G10 peers

GBP Une devise à haut risque dans un contexte incertain. Les perspectives de baisse des taux de la Banque d’Angleterre (BoE), combinées à un repli des rendements des Gilts à court terme, pèse sur l’attrait de la livre sterling, déjà fragilisée cette semaine par une série de données macroéconomiques décevantes. La paire GBP/EUR a chuté à son plus bas niveau depuis 4 semaines, passant sous les moyennes mobiles journalières clés, ce qui laisse présager d’autres risques de baisse. Pendant ce temps, la paire GBP/USD a rebondi sur sa moyenne mobile à 21 jours, maintenant la tendance haussière à court terme intacte. Toutefois, sa progression vers un niveau record en trois ans de 1,3632 $ a été interrompue par la flambée des prix du pétrole et une nette détérioration de l’appétit pour le risque, dans un contexte de tensions géopolitiques entre l’Iran et Israël. Le profil fortement corrélé au risque de la livre en fait une devise vulnérable en période d’aversion marquée, incitant les investisseurs à se repositionner vers des actifs refuges tels que l’euro, qui surperforme actuellement dans un environnement de volatilité accrue. En dehors du facteur géopolitique, le différentiel de surprise économique entre le Royaume-Uni et les États-Unis s’est rétréci, ce qui complique la capacité de la paire GBP/USD à se maintenir durablement au-dessus du seuil des 1,36 $. Dans ce contexte, les anticipations haussières sur la livre sont progressivement révisées à la baisse : les traders ne prévoient désormais quasiment aucun gain sur les 1 à 3 prochains mois et s’attendent à une dépréciation de la devise britannique à plus long terme. La réunion de la Banque d’Angleterre ce jeudi pourrait offrir des indications cruciales quant à la probabilité de deux nouvelles baisses de taux cette année.

CHF Une baisse de taux tactique en ligne de mire. Le franc suisse poursuit son appréciation face au dollar américain et s’approche de ses plus hauts niveaux en une décennie. Avec une progression de plus de 10 % depuis le début de l’année, il est porté par une demande accrue pour les actifs refuges dans un climat géopolitique tendu lié au conflit Iran-Israël. Sur une base pondérée en fonction des échanges, le franc suisse se rapproche des niveaux observés pour la dernière fois lorsque la Banque nationale suisse (BNS) avait signalé sa volonté d’agir contre la force excessive de la monnaie. En fin de compte, l’envolée récente du franc constitue un défi important pour la BNS, dans la mesure où elle accentue les pressions déflationnistes sur l’économie helvétique. Dans ce contexte, les spéculations se multiplient quant à une possible intervention imminente de la BNS. Celle-ci pourrait soit abaisser ses taux à nouveau en territoire négatif, soit intervenir sur le marché des changes pour enrayer la vigueur du franc. Toutefois, cette dernière option s’annonce plus délicate, la Suisse figurant désormais sur la liste de surveillance du Trésor américain en matière de politique de change. Il convient également de souligner que, sur le plan de l’inflation, la dynamique du franc face à l’euro reste plus déterminante : près de 70 % des importations suisses proviennent de l’UE. Or, le CHF s’est légèrement affaibli face à l’EUR depuis le début de l’année, ce qui pourrait inciter la BNS à temporiser. Néanmoins, nous anticipons une réduction tactique de 25 points de base lors de la réunion de jeudi.

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