Les 100 premiers jours du second mandat de Donald Trump ont été houleux, si bien que les marchés financiers ont connu des fluctuations sans précédent. En ce sens, le mois d’avril a connu un nombre historique de revirements de situations de la part de l’administration Trump concernant ses politiques. Toutefois, ces derniers temps, les discours plus modérés sur les guerres commerciales ont de nouveau soutenu l’appétit pour le risque.
La Chine a déclaré qu’elle évaluait la volonté des responsables américains d’effectuer négociations commerciales. C’est une lueur d’espoir dans une optique de désamorçage de la guerre commerciale entre les deux plus grandes économies du monde.
La volatilité du marché s’est atténuée par rapport à son plus haut niveau depuis plusieurs années, et les actions américaines ont connu un rebond non négligeable. Le S&P 500 continue de grimper, enregistrant sa plus forte hausse sur huit jours consécutifs depuis novembre 2020.
En fin de compte, les marchés semblent pour l’instant ne pas tenir compte des inquiétudes liées à la guerre commerciale. Ils sont plutôt optimistes quant au fait que les négociations pourraient apaiser les tensions, ainsi que par la résilience des bénéfices des entreprises.
Côté macroéconomique, les données sont mitigées. L’économie américaine a reculé de 0,3 % au premier trimestre 2025, accusant sa première baisse depuis début 2022. La confiance des consommateurs est tombée à son plus bas niveau depuis 5 ans, mais les chiffres de l’indice PMI manufacturier ISM ont été moins mauvais que prévu.
Cependant, l’intensification des inquiétudes quant à l’éventuel ralentissement économique global causé par les tarifs douaniers s’est traduite par l’intégration dans les marchés d’un assouplissement monétaire de plus grande ampleur. Aucun changement n’est attendu de la part de la Fed la semaine prochaine. Toutefois, au moins trois baisses sont prévues d’ici la fin de l’année.
Sur le marché des changes, l’environnement de risque plus positif et la baisse de la volatilité du marché ont davantage réduit la prime de risque du dollar américain. L’indice du dollar a quelque peu augmenté par rapport à ses plus bas niveaux depuis trois ans, bien que les perspectives structurelles restent baissières.

Macro mondiale
Les récentes données macroéconomiques indiquent un ralentissement mondial
Au premier trimestre, le PIB américain recule. L’économie américaine a reculé de 0,3 % au premier trimestre 2025, soit un peu plus que prévu. Il s’agit de sa première baisse depuis début 2022. Cette baisse contraste nettement avec la hausse de 2,4 % du trimestre précédent. L’augmentation importante des importations (41,3 %) a grandement contribué à ce ralentissement, car les entreprises se sont empressées de stocker des marchandises avant l’instauration des tarifs douaniers. Par conséquent, le déficit commercial s’est creusé, les exportations nettes entraînant une baisse du PIB de près de 5 points de pourcentage, soit l’impact le plus important jamais enregistré. Les dépenses publiques ont également contribué au ralentissement, soustrayant 0,25 % à la croissance globale, ce qui représente son premier impact négatif depuis 2022. Les dépenses privées ont également connu une baisse significative, car les entreprises et les investisseurs ont dû faire face à une incertitude accrue tout au long du trimestre.
PCE et marché du travail. La mesure de l’inflation privilégiée par la Fed pour le mois de mars est légèrement supérieure aux attentes, mais a perdu de la vitesse. Les prix des PCE aux États-Unis ont augmenté de 2,3 % par rapport à l’année dernière en mars 2025, soit son plus bas niveau en cinq mois. Toutefois, ce chiffre est supérieur aux attentes du marché (2,2 %). En février, les prix des PCE ont été révisés à la hausse (2,7 %). Toutefois, les demandes hebdomadaires d’allocations chômage ont atteint leur plus haut niveau depuis février 2025. Ces deux données pourraient être interprétées comme une mauvaise nouvelle pour la Fed, d’autant plus que les inquiétudes quant à la stagflation sont en hausse.
L’indice PMI chinois ralentit. L’activité manufacturière a connu une baisse plus forte que prévu en avril et est passée dans le rouge. La croissance des services a également ralenti. Les inquiétudes concernant les conséquences économiques des tensions commerciales persistent. En effet, difficile de savoir si Pékin et Washington sont en phase de négociation. Pour l’instant, les autorités chinoises adoptent une approche prudente et optent pour des réponses mesurées plutôt que pour des mesures de relance agressives.
Changement de perspective. Après le revirement de l’administration américaine sur les droits de douane la semaine dernière, les marchés ont recentré leur attention sur l’impact des tensions commerciales sur les perspectives de croissance mondiale. La forte baisse des prix des matières premières souligne l’anticipation généralisée d’un ralentissement économique, même si son ampleur et sa durée restent incertaines. Le sentiment macroéconomique a pesé sur la dette mondiale et les matières premières plus que sur les actions. L’incertitude persiste, malgré l’atténuation du sentiment d’incertitude.

Points de vue sur le marché des changes
L’appétit pour le risque : un répit pour le dollar
USD Prime de risque réduite pour le moment. L’indice du dollar américain a enregistré sa plus mauvaise performance mensuelle depuis fin 2022, et a chuté de plus de 9 % par rapport à son pic de 2025 en janvier. Toutefois, le climat général autour du commerce s’est quelque peu amélioré récemment, ce qui a permis au dollar américain de récupérer, ne serait-ce que quelque peu, une partie de ses pertes récentes. Bien que le PIB des États-Unis ait diminué au premier trimestre et que la confiance des consommateurs soit tombée à son plus bas niveau depuis cinq ans, le rapport de l’ISM sur l’industrie manufacturière n’a pas été aussi mauvais que prévu. Dans le même temps, l’environnement de risque légèrement plus positif et la baisse de la volatilité du marché ont davantage réduit la prime de risque du prix du dollar. Cela étant, le problème sous-jacent n’a pas disparu. Les difficultés que rencontre le dollar ne proviennent pas tant de la perte de son « privilège exorbitant » et de son statut de valeur refuge, mais plutôt de la menace imminente d’un ralentissement économique soudain aux États-Unis. Ce ralentissement serait lié aux perturbations commerciales et à l’incertitude. Le prix du dollar reste relativement stable pour l’instant. Une nouvelle baisse des données de base américaines pourrait toutefois conduire à une accélération de la tendance à la dédollarisation. De plus, la réunion de la Fed la semaine prochaine révélera si les attentes du marché concernant des baisses rapides des taux sont justifiées.
EUR En perte de vitesse, mais montre des changements structurels positifs. Ce mois d’avril s’est avéré être le meilleur mois d’avril pour la paire EUR/USD depuis la création de la monnaie en 1999. Toutefois, un nouveau déclencheur haussier pour l’euro est nécessaire. Le regain d’appétit pour le risque, la baisse de la volatilité, les mouvements financiers de fin de mois et l’espoir que le pire de l’incertitude liée à la guerre commerciale soit passé ont pesé sur l’euro ces derniers jours. Ce regain s’opère malgré les signaux économiques en demi-teinte provenant des États-Unis et de l’Europe. La paire reste environ 9 % au-dessus de son niveau de début d’année, nettement au-dessus de ses moyennes mobiles de long terme, soutenue par des perspectives budgétaires et structurelles plus prometteuses dans la zone euro, ainsi que par la faiblesse structurelle du dollar. L’effet déflationniste des tarifs douaniers sur la zone euro ouvre la voie à de nouvelles baisses de taux de la BCE, ce qui pourrait freiner l’appréciation de l’euro. Cependant, une dynamique conjoncturelle plus favorable pourrait s’avérer plus déterminante pour la monnaie unique à long terme. En effet, alors que les marchés s’adaptent aux changements structurels, les attentes d’une paire EUR/USD atteignant 1,20 $ cette année gagnent du terrain.

GBP En demi-teinte. La paire GBP/USD a enregistré sa plus forte hausse mensuelle depuis novembre 2023. En revanche, la paire GBP/EUR a subi sa plus forte baisse mensuelle depuis décembre 2022, dans un contexte de rotation rapide des flux du dollar vers l’euro suite aux annonces de Donald Trump concernant les tarifs douaniers. La livre sterling a connu une semaine mitigée : elle augmente face à l’EUR, au NZD et au JPY, ce dernier ayant progressé de plus de 1 % après une réunion accommodante de la Banque du Japon. Toutefois, la paire GBP/USD stagne aux alentours de 1,33 $, tandis que par rapport à la NOK et à l’AUD, la livre sterling est en baisse sur la semaine. Le sentiment de risque à l’échelle mondiale continue de dicter l’évolution de la livre sterling, mais la révision à la baisse des anticipations de baisse de taux de la Banque d’Angleterre freine son appréciation. Les traders anticipent désormais quatre baisses supplémentaires de taux de 0,25 % de la part de la Banque d’Angleterre cette année, avant la réunion de la semaine prochaine où une baisse de taux est déjà pleinement intégrée dans les prix. Le GBP/USD pourrait descendre légèrement sous la barre des 1,32 $ tout en restant au-dessus de sa moyenne mobile sur 21 jours, ce qui montre que la tendance haussière demeure intacte. De plus, avec l’indicateur de force relative (RSI) sur 14 jours approchant des niveaux neutres, ce type de consolidation/correction est sain avant de tenter un nouveau mouvement à la hausse.
CHF La réponse de la BNS est très attendue. Malgré le rebond de l’appétit pour le risque mondial cette semaine, le franc suisse a mis fin à une série de deux semaines de pertes face à l’euro et au dollar américain, enregistrant sa meilleure performance mensuelle face au dollar (+6,6 %) depuis 2015. En l’absence d’une amélioration plus large du sentiment mondial envers le risque, le statut de valeur refuge du franc suisse continue de poser des défis à la Banque nationale suisse. La forte hausse du franc suisse est surveillée de près par la BNS, car elle risque de pousser l’inflation dans le rouge. L’inflation suisse étant déjà de seulement 0,3 %, le durcissement des conditions financières pourrait amplifier les risques de déflation, ce qui présente un dilemme politique épineux. Les rendements à deux ans sont retombés dans le rouge, et les marchés des swaps anticipent désormais pleinement une baisse des taux d’un quart de point pour juin. Pour l’instant, il semble peu probable que l’intervention sur le marché des changes évite de raviver les tensions avec l’administration américaine, qui avait déjà qualifié la Suisse de manipulateur de devises pendant le premier mandat de Donald Trump.
